jeudi 5 avril 2007

La chute et la bête

Ici dans la grotte c´est le noir le plus sombre. Et le rouge et le vert. Le vert de mes intestins affamés. Je suis perdue dans les limites du monde à la suite d´un accident terrible dans le chemin des Yungas aux Andes boliviens. Tout le monde est mort, mutilé, les os fracassés et les morceux de chair accrochés aux arbustes, des fruits sanguinaires: mères et enfants, hommes et femmes, tout le monde... sauf moi, Fanny, la Fannette. Serai-je capable de mourir un jour? Je ne sais pas, je suis perdue dans un labyrinthe qui n´est ni vie ni mort, ni jour ni nuit, ni rêve ni veille, je suis toute nue et ma peau s´adapte mal à mon esquelet, fremissant, fluorescent esquelet. Ici dans la grotte où je suis perdue j`ai apprivoisé un animal hors du commun. Sur cette bête je ne savais quasiment rien; en tout cas, ce que je savais n´était pas tout à fait vrai, car j´avais lu que son espèce ne pouvait être trouvée que dans une région minuscule de la Pensylvannie en Amérique du nord. Ici, dans les méandres de la Cordillera Real, dans les vallées secrètes et insaisissables que cachent ces colosses de pierre, vivent des espèces des temps antérieurs au notre. Ce monstre dont je vous parle vient de la même famille que le fameux squonk. Je ne dis pas qu´il s´agisse précisement d´un squonk parce que sa peau, bien qu´elle soit d´une monstreuse texture - un cuir poilu rempli de verrues - elle rayonne une couleur de fascinante beauté: une sorte de vert eméraude dont les bounquins qui mentionnent le squonk ne disent rien. Cela doit être un cousin sudamérican du squonk comme la llama est une cousine andine du chameau. De plus, la bête en cause pleure d´une façon certes terrifiante mais dotée d´une certaine musicalité spectrale qui donne des frissons et dont je ne puis dire que cela ne participe pas de l´idée du beau. Je dirais même que la sensation provoquée est contraire à la description selon laquelle les cris de ces animaux ne sont qu´affreux et pathétiques. Je dois admettre que j´ai appris à avoir du plaisir en compagnie de cet être qui est sensé répresenter le chagrin et l´horreur de la vie et de la mort...

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