mercredi 25 avril 2007

La découverte


À la suite de l´accident j´ai perdu completèment connaissance. Après avoir vu la boucherie qu´était devenu le bus où je voyageait, j´ai entrepris la difficile tâche de descendre vers je ne sais pas où. À un moment donné la descente était si difficile que je n´ai pas su continuer et suis tombée je ne sais pas combien de mettres plus bas. Quand j´ai ouvert les yeux, je me suis trouvée à l´intérieur d´une fôret très humide, d´apparence enchantée comme dans les films de Tim Burton, avec des arbres anthropomorphes, avec les regards cachés d´animaux magiques. Il faisait froid, froid comme j´avais jamais senti dans ma vie. Mes vêtements étaient dechirés, ma peau blesée et rose pâle. Il y avait un vent qui semblait venir d´autre monde, à ce moment j´ai su que le lieu où j´avais aterri était plus qu´un lieu physique, il s´agissait, en fait, d´un vortex vers les entraîlles du monde. La grotte que j´ai vu au départ, je ne l´ai su que beaucoup plus loin dans l´histoire, n´était pas une grotte mais la bouche d´un monstre fabuleux, l´architecture irrationnelle de ses couloirs, ses intestins et les ruisseaux souterrains les veines et les artères de cet être qui contient tant d´autres êtres comme le Squonk dont je vous ai parlé... Et comme pour tout être vivant, les actions et rêves de ce monstre géant affectent directement l´agir et les rêves des créatures qui habitent son intérieur. La découverte de cette situation a tout changé dans le devenir de mon aventure.

mercredi 18 avril 2007

Ombre et image

Tout se confond: la peau et les viscères, les idées et le temps. Je ne sais pas combien de mois ou d´années je suis ici. Je soupçonne même que le corps abîmé ici n´est pas du tout le même qui partait jadis de l´aeroport de Bruxelles ayant comme destin l´Amérique du Sud. Je ne sais pas si je suis une femme encore ou une espèce androgyne de monstre avec des traits humains capable de tuer avec ses propres mains, ses propres griffes pour se mettre quelque chose dans la bouche: des insectes, des grenouilles, des gnomes et, c´est le plus délicieux, ses propres doigts (qui, miraculeusement, se regénérent avec une vitesse qui n´est pas celle du monde des objets) La matière, dans ce labyrinthe, coule sans cesse; de là vient l´impossibilité de mourir pour ceux qui l´habitent et la malédiction de devoir muter à chaque clin d´oeil. À l´intérieur de ces couloirs, la chair ne s´éteint jamais... mais plutôt elle brûle comme un incendie estival. À l´intérieur elle brûle, à l´extérieur moi aussi. Et pourtant tout reste dans le noir...

mardi 10 avril 2007

Je savais que dans ces montagnes…


Je savais que dans ces montagnes ma vie allait être scellée à tout jamais. Je ne savais pas comment, je ne savais pas pour quoi ou quand mais j´étais prête à avoir la vision, omineuse et fabuleuse à la fois, qui determinerait mes jours. Pour quoi ici? Pour quoi si loin de chez moi?

Est-on si sûr que c´est là où nôtre être social naît que siège l´origine de notre âme?

Je n`en suis pas SI sure.

Je pense d´ailleurs que notre identité, pays, famille, sexe, tout cela n´est qu´un piège qui nous éloigne de notre vrai être, notre essence secrète, réelle. Le mot “Je” est un deguisement si géant qu´il est capable de nous voiler ciel et terre, corps et âme. Et disparaître d´un coup avec le monde entier.

Si je savais qu´ici, dans le lointain, j´allais connaître mon origine et ma destinée, c´est peut-être parce que je savais qu´en Europe je n´allais pas les trouver.

Mon essence ne vient pas de là. Même pas de ce monde…

jeudi 5 avril 2007

La chute et la bête

Ici dans la grotte c´est le noir le plus sombre. Et le rouge et le vert. Le vert de mes intestins affamés. Je suis perdue dans les limites du monde à la suite d´un accident terrible dans le chemin des Yungas aux Andes boliviens. Tout le monde est mort, mutilé, les os fracassés et les morceux de chair accrochés aux arbustes, des fruits sanguinaires: mères et enfants, hommes et femmes, tout le monde... sauf moi, Fanny, la Fannette. Serai-je capable de mourir un jour? Je ne sais pas, je suis perdue dans un labyrinthe qui n´est ni vie ni mort, ni jour ni nuit, ni rêve ni veille, je suis toute nue et ma peau s´adapte mal à mon esquelet, fremissant, fluorescent esquelet. Ici dans la grotte où je suis perdue j`ai apprivoisé un animal hors du commun. Sur cette bête je ne savais quasiment rien; en tout cas, ce que je savais n´était pas tout à fait vrai, car j´avais lu que son espèce ne pouvait être trouvée que dans une région minuscule de la Pensylvannie en Amérique du nord. Ici, dans les méandres de la Cordillera Real, dans les vallées secrètes et insaisissables que cachent ces colosses de pierre, vivent des espèces des temps antérieurs au notre. Ce monstre dont je vous parle vient de la même famille que le fameux squonk. Je ne dis pas qu´il s´agisse précisement d´un squonk parce que sa peau, bien qu´elle soit d´une monstreuse texture - un cuir poilu rempli de verrues - elle rayonne une couleur de fascinante beauté: une sorte de vert eméraude dont les bounquins qui mentionnent le squonk ne disent rien. Cela doit être un cousin sudamérican du squonk comme la llama est une cousine andine du chameau. De plus, la bête en cause pleure d´une façon certes terrifiante mais dotée d´une certaine musicalité spectrale qui donne des frissons et dont je ne puis dire que cela ne participe pas de l´idée du beau. Je dirais même que la sensation provoquée est contraire à la description selon laquelle les cris de ces animaux ne sont qu´affreux et pathétiques. Je dois admettre que j´ai appris à avoir du plaisir en compagnie de cet être qui est sensé répresenter le chagrin et l´horreur de la vie et de la mort...